
Water Talks Series n°2 - Prof. Géraldine Pflieger


Le Geneva Water Hub - Education & Knowledge component - est fier de présenter le 2nd édition de la "Water Talk Series". Cette série est une opportunité pour les chercheurs d'exposer et d'expliquer leurs idées, leurs positions sur les défis contemporains liés à la gouvernance de l'eau. Les présentations, en anglais ou en français, sont courtes et percutantes.
Géraldine Pflieger est professeur associé en politiques urbaines et environnementales à l'Université de Genève (Département de sciences politiques et relations internationales et Institut des sciences de l'environnement) et directrice du Pôle de gouvernance environnementale et de développement territorial (P/IGEDT). Elle dirige également la Chaire UNESCO d'hydrologie. Ses recherches portent sur les régulations des ressources naturelles partagées (principalement l'eau et le sol) aux niveaux international, régional et local (plus d'informations sur le site de l'UNIGE).
Territorialités en conflit pour la gouvernance de l'eau (Talk in French)
Si les tensions et conflits sont nombreux entre Etats pour la gestion et le partage des ressources en eau, des tensions tout aussi fortes mais sans doute plus discrètes émergent entre différentes approches territoriales de la gouvernance de l'eau. Depuis le XIXème siècle, la doctrine Harmon a pu prévaloir, reconnaissant à chaque État une souveraineté pleine et entière sur les ressources en eau et les encourageant à coopérer pour prévenir les conflits. Mais, depuis la seconde moitié du XXème siècle, on note que trois grands types de territorialités entrent en tension et ce de façon croissante :
- Ce que nous qualifions d'hyper-territorialisation tout d'abord avec la relance de stratégies extractives des États et le retour de nationalismes hydriques sur tous les continents. Cette tendance est corrélée à l'élévation du stress hydrique et au changement climatique qui rend la ressource plus vulnérable et plus rare ;
- L'affirmation d'une néo-territorialisation de la ressource et de l'importance d'une gestion à l'échelle de systèmes hydriques ou de bassins versant qui transcende les limites des espaces institutionnels classiques. C'est l'émergence de syndicats de gestion, d'instances de bassin, d'organismes transfrontaliers de coordination, sous l'influence de corporations d'ingénieurs ou d'organisations environnementales qui mettent en exergue l'intérêt de dépasser une gouvernance fragmentée de la ressource et le besoin d'entités politiques spécifiques de gestion de la ressource.
- L'émergence d'un processus de post-territorialisation de la ressource qui se traduit par l'approfondissement d'une gouvernance globale de l'eau, à l'échelle planétaire. L'ambition d'une gouvernance globale de l'eau renforcée est de reconnaître à l'eau le statut de ressource planétaire (au même titre que l'atmosphère ou la biodiversité) et à promouvoir une gouvernance approfondie qui supplante les intérêts des États.
Ces trois grandes modalités de territorialisation reposent la question de l'échelle légitime de gouvernance de l'eau et nous montrons que les changements environnementaux globaux qui pèsent sur la ressource n'amènent pas seulement à l'approfondissement des tensions entre États mais également à une nouvelle géopolitique des échelles de gouvernance de la ressource.