Policy Brief n°1 - Gouvernance multi-niveaux : La Genève internationale, plaque tournante de la gouvernance de l'eau
Février 2015 - Bolognesi T., Bréthaut C., Kluser S.
Teaser
Genève est l'un des principaux centres de gouvernance mondiale et de diplomatie multilatérale. Avec sa forte concentration d'organisations internationales, d'organisations non gouvernementales et de missions permanentes, Genève joue un rôle de premier plan dans la gouvernance active des questions et des défis les plus pressants du monde. Ce rôle est présent dans tous les secteurs et la gouvernance de l'eau ne fait pas exception à la règle. Un grand nombre des principaux acteurs engagés dans la politique et la coopération en matière de gouvernance de l'eau, qu'ils soient locaux ou mondiaux, se trouvent dans la région de Genève.
La présente note politique se penche sur cette situation exceptionnelle. L'intention est de révéler et d'examiner l'impact de cette plaque tournante sur la manière dont ces acteurs interagissent. La note cherchera également à découvrir et à définir les caractéristiques clés des buts et objectifs de chaque acteur dans le domaine de la gouvernance de l'eau.
Voir aussi la Carte mensuelle de l'eau n°1 pour des illustrations sur le même sujet.
Introduction
Genève est l'un des principaux centres de gouvernance et de coopération mondiales. Genève est également un centre important pour la diplomatie multilatérale. Outre les nombreuses organisations des Nations unies (ONU), Genève est le cadre traditionnel des négociations internationales telles que celles qui ont lieu à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) ou au Bureau international du travail (BIT). Des organisations internationales non gouvernementales (ONG) sont également implantées à Genève et dans ses environs : Forum économique mondial (WEF), Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), etc. En raison de cette forte présence internationale, Genève et sa région ont été baptisées "Genève internationale" : un réseau très dense d'organisations qui dirigent ou coordonnent des projets destinés à influencer les questions sociales, environnementales ou économiques.
Le secteur de l'eau est particulièrement bien représenté au sein de la Genève internationale. En témoigne la présence d'acteurs internationaux majeurs - l'Organisation météorologique mondiale (OMM), l'ONU-Eau, l'OCDE ou la Banque mondiale - pour n'en citer que quelques-uns. Il est donc inévitable que Genève soit le lieu d'où partent une multitude d'initiatives en matière de gestion de l'eau. La multitude de forums de délibération et de négociation a été et continue d'être le témoin du lancement de nombreuses propositions et de l'élaboration de politiques. Cette forte concentration d'organisations axées sur l'eau en dit long sur l'étendue et la diversité des acteurs qui influencent les processus de gouvernance modernes. Bien que les services d'eau et leur gouvernance restent ancrés localement, il est important de reconnaître qu'ils sont encadrés par des décisions et des institutions introduites à d'autres niveaux, en particulier au niveau international.
Cette concentration inhabituellement élevée d'acteurs activement engagés dans la gouvernance internationale de l'eau signifie que la Genève internationale est un foyer riche pour entreprendre les recherches nécessaires à ce mémoire. Cette situation privilégiée nous permet de découvrir la configuration des acteurs influents dans la gestion des programmes d'eau ou dans l'élaboration de lignes directrices sur la gouvernance de l'eau. En nous concentrant sur la Genève internationale, nous serons en mesure d'identifier et d'expliquer les liens entre les acteurs individuels et de tirer des conclusions éclairées sur les similitudes, les synergies et les rivalités qui existent dans le processus de gouvernance de l'eau au sens large.
Pour ce faire, nous pouvons considérer la Genève internationale comme le laboratoire dans lequel nous entreprendrons notre recherche - sa spécificité est de rassembler de nombreux acteurs clés engagés dans des processus symptomatiques de gouvernance de l'eau (Grafmeyer & Joseph 1979). Ce laboratoire sera utilisé pour étudier, en particulier, l'aspect international et global de la gouvernance de l'eau.
Le cas de la Genève internationale appelle à une analyse de la gouvernance multi-niveaux (Ostrom 2010) des ressources en eau. La recherche est basée sur l'analyse des liens entre les composantes de la gouvernance qui agissent à partir de différents niveaux institutionnels et qui soutiennent une stratégie de développement spécifique (Adger et al. 2005). La Genève internationale est un système complexe avec un réseau d'interconnexions et d'interactions entre les organisations. Inévitablement, ce grand nombre d'interactions est encore multiplié lorsque les niveaux institutionnels agissent dans des zones géographiques différentes.
Cette note politique constitue la première phase d'un programme de recherche axé sur les mécanismes de gouvernance internationale de l'eau tels qu'ils sont mis en œuvre dans ce contexte genevois. Afin de tirer des conclusions pertinentes, la complexité du cas sera abordée progressivement. Dans cette première étape, nous décrirons le système. Il s'agira d'identifier certains acteurs et de saisir leur statut, leurs compétences, leurs mandats et leurs opinions. Ensuite, nous nous efforcerons d'identifier les principaux problèmes liés à l'eau dans lesquels les acteurs sont impliqués.
Cette note politique est divisée en trois parties. La première partie (1) présente les objectifs théoriques et empiriques de notre analyse de la gouvernance multi-niveaux de l'eau dans la Genève internationale. La deuxième partie (2) expose notre méthodologie, qui repose sur la construction d'une base de données originale détaillant les principales organisations. La troisième partie (3) soumet un certain nombre d'hypothèses. Celles-ci seront formulées au sein de notre "laboratoire" et visent à apporter un éclairage original sur la gouvernance multi-niveaux de la ressource en eau.
