
9ème Forum mondial de l'eau - Analyse du premier jour
Bien que la concurrence pour l'accès à des ressources en eau rares puisse conduire à des conflits, l'eau est également un puissant vecteur de coopération pacifique. Le Sénégal a acquis une réputation internationale en matière de coopération pacifique avec ses voisins dans les bassins des fleuves Sénégal et Gambie. De nombreuses sessions du forum actuel sont liées aux thèmes centraux de la sécurité de l'eau et de la coopération pacifique. C'est la première fois que le Forum mondial de l'eau se tient en Afrique subsaharienne. Cet événement marque le début d'une trajectoire de dialogue international qui aboutira à la première conférence des Nations unies sur l'eau depuis 1977. Le Sénégal a saisi l'occasion en introduisant un certain nombre d'innovations dans la manière dont les forums mondiaux de l'eau sont traditionnellement organisés, en décloisonnant les processus de dialogue, en limitant le nombre de thèmes à discuter et en se concentrant sur l'apport de réponses pratiques aux défis existants dans le domaine de l'eau. Il l'a fait avec une vision prospective axée sur la prochaine conférence de l'ONU sur l'eau, qui constitue l'examen à mi-parcours de l'objectif de développement durable n° 6 relatif à l'eau et à l'assainissement et qui aura lieu à New York en mars 2023. Le président sénégalais Macky Sall a ouvert le forum en rappelant aux participants que l'eau est un défi majeur pour le21e siècle et en les avertissant que la croissance démographique, l'urbanisation et la pollution menacent la sécurité de l'eau. Il a donc appelé la communauté internationale à placer l'eau au cœur de l'action multilatérale et des politiques internationales. Plutôt qu'un dialogue ouvert, le9e Forum mondial de l'eau a été conçu pour prendre des engagements et obtenir des résultats autour de quatre thèmes essentiels : la sécurité de l'eau, l'eau pour le développement rural, la coopération internationale et les moyens et outils. Tous les événements organisés pendant le Forum seront considérés comme des contributions à deux processus clés : premièrement, la recherche d'un soutien politique au niveau des chefs d'État, des ministres, des parlementaires, des collectivités locales et des bassins fluviaux et, deuxièmement, l'élaboration de solutions concrètes et réalisables pour relever les défis actuels, qui seront finalement intégrées dans les résultats de la conférence des Nations unies.
Cette année, la Journée mondiale de l'eau était consacrée aux eaux souterraines et avait pour thème "Rendre visible l'invisible". Les eaux souterraines représentent 99 % de toutes les ressources en eau douce liquide de la planète, mais cette ressource n'est ni directement visible ni bien comprise. Le rapport mondial sur la mise en valeur des ressources en eau 2022, publié à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau, met l'accent sur l'exploitation du potentiel des eaux souterraines en augmentant considérablement la quantité de données disponibles sur la ressource, en renforçant la réglementation environnementale et en augmentant les ressources humaines, matérielles et financières nécessaires pour les gérer en toute sécurité. L'organisation Water Aid, basée au Royaume-Uni, a lancé le même jour son étude sur les eaux souterraines en Afrique, réalisée en collaboration avec le British Geological Survey. Le rapport vise à démentir le mythe selon lequel les ressources en eau sont insuffisantes en Afrique.
Au contraire, elle affirme qu'il y a suffisamment d'eau souterraine sur le continent africain pour survivre à au moins cinq années de sécheresse. Chaque pays africain au sud du Sahara pourrait fournir 130 litres d'eau potable par habitant et par jour à partir des eaux souterraines sans utiliser plus de 25 % de la recharge moyenne à long terme1( ?), et la plupart moins de 10 %. Faisant écho au Rapport mondial sur l'eau, Water Aid affirme que la ressource doit faire l'objet de recherches approfondies et d'une gestion efficace, et que des investissements sont nécessaires pour libérer son potentiel. En ce qui concerne les ressources en eaux souterraines transfrontalières, le Geneva Water Hub et l'UNESCO ont organisé un échange entre trois plateformes existantes pour la gestion des eaux souterraines transfrontalières sur trois continents différents : l'aquifère sénégalo-mauritanien, l'aquifère franco-suisse du Genevois et l'aquifère du Guarani. Cet événement a constitué une occasion rare d'explorer les accords transfrontaliers sur les eaux souterraines, qui ne sont qu'au nombre de six dans le monde, alors qu'il existe plus de 500 aquifères transfrontaliers à l'échelle mondiale. Ces trois accords reposent tous sur l'instauration d'un climat de confiance entre les États membres, résultant d'accords visant à étudier les aquifères et à échanger les données, à développer des relations personnelles entre les principaux décideurs et à élaborer des cadres réglementaires acceptables pour toutes les parties.
Dr Tobias Schmitz
Conseiller en développement, The Water Diplomat